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Le Docablock Blog!
10 avril 2008

Légalisez la culture de l'information! le 8ème congrès de la FADBEN (2)

Suite et fin de ma petite synthèse  de ce dernier congrès de l'association des enseignants documentalistes de l'Education nationale: "la culture de l'information. Des pratiques... aux savoirs".... Un congrès pour une culture 100% développement durable, comme le mobilier du salon des exposants (tables, chaises, présentoirs...), entièrement réalisé en carton. Une initiative à signaler. Sachez que des documents connexes (voire annexes) ont été publiés un peu partout sur le Web: sur le site de la FADBEN, on pourra trouver le propos introductif de la présidente, Françoise Albertini, ainsi que le propos d'André Tricot (absent ce jour là, pour cause d'attente d'un heureux événement..) sur les savoirs et compétences documentaires. Sur son blog du Web pédagogique, Noël Huguen (professeur documentaliste et formateur à Angers) fait pour sa part une analyse et un premier bilan. Pour finir ce tour du Net, Olivier le Deuff, maître du diaporama  et coqueluche de toutes les étudiantes en information-documentation, communique sur son blog ses 2 préao. Mais l'essentiel reste ce moment de réflexion en commun, aux implications tout autant théoriques que pratiques. Revenons-y...


La journée du samedi s'est ouverte par une conférence de Philippe Meirieu. Envisageant la pédagogie documentaire, cette figure des sciences de l'éducation a commencé par insister sur un certain déterminisme historique et religieux, le rôle de la religion protestante et de son rapport aux Ecritures (et donc aux textes) sur l'idéologie éducative des pays anglo-saxons: en effet ceux-ci ont très tôt mis la dynamique éducative de la recherche documentaire (construction de l'intelligence et de l'autonomie de la personne) au centre du processus d'apprentissage. En France, le Messie de la documentation s'appelera C. Freinet... plus tard. Pareillement au niveau de l'éducation aux médias, la culture éducative française a bien du mal à accepter de faire rentrer les médias et l'actualité à l'école, au risque d'un véritable risque de fracture entre les cultures médiatique (celle de nombreux jeunes) et scolaire. C'est le traditionnel (pseudo?)dilemme entre les savoirs stables et déjà hiérarchisés et l'actualité, toujours en mouvement. D'où, pour Ph. Meirieu, la nécessité d'un changement de paradigme: passer de Jules Ferry à Jean Zay, ce ministre du Front populaire qui avait compris qu'on ne pouvait séparer l'éducation de l'instruction. Et d'où également la nécessité de promouvoir un certain nombre de droits de l'enfant (droit à la protection, mais aussi à l'information, à la culture, à l'acquisition d'un esprit critique etc...): ces droits, s'ils étaient respectés, imposeraient en retour  des devoirs  de la part des  industries  médiatiques  (et particulièrement de la télévision).... Un film  de la chaîne CapCanal (disponible ici) sur le travail au CDI a été diffusé ensuite.

La table ronde  qui a suivi s'intéressait aux nouveaux médias participatifs. Comment sont-ils appréhendés et utilisés par les adolescents? Olivier le Deuff a convoqué pour répondre à cette question la métaphore d'un "fantôme dans la machine" (Ghost in the shell). A l'heure en effet où les technologies évoluent plus vite que notre compréhension d'elles,  beaucoup de discours, notamment dans l'Education nationale, insistent encore sur la nécessité d'adaptation permanente, de l'élève et  de l'enseignement, face aux nouveaux impératifs des TIC. L'esprit documentaire (dans la machine ou ailleurs), au contraire, est une capacité à exister par soi-même, un esprit critique, et une démarche d'anticipation. Au delà de l'attraction des élèves ("Homo Zappiens", selon l'expression de 2 chercheurs hollandais) pour les nouveaux médias du web 2, ils doivent réussir à en saisir les possibilités éducatives et créatives.
Un point a ensuite été fait sur l'enquête Mediappro, réalisée dans 10 pays autour des pratiques médiatiques de 9000 jeunes de 12 à 18 ans, close en 2006 -et donc déjà à refaire...- : si l'on passe le détail sur ce dispositif qui nous a permis de mieux connaître les pratiques réelles des jeunes, on retiendra que si les élèves sont conscients des risques qu'ils peuvent encourir avec ces nouveaux médias, ils surestiment globalement leurs compétences dans ce domaine. Pourtant ces médias sont bien entendu porteurs d'enjeux pour la construction d'une culture de l'information.  C'est le propos d'Aurélie Aubert, doctorante en SIC. Une nouvelle donne informationnelle est à maîtriser: lassée du traitement médiatique des médias mainstream   (mass medias), une partie du public est partie à la recherche d'une façon alternative de s'informer.  Le résultat actuel: une hétérogénéité  plus grande des sources (blogs, médias participatifs etc...), mais aussi des difficultés d'orientation de l'usager dans ce nouveau paysage.  Les nécessités éducatives coulent  alors... de source:  formation  à une typologie des médias, à la déontologie et au droit......  L'Ecole doit savoir  que si les jeunes ne sont pas encore producteurs d'info (par les blogs notamment), ils risquent  fort de le devenir sous peu... à moins d'un désintérêt médiatique qui serait encore plus préoccupant.

Mais cette institution n'est pas la seule à contribuer à une éducation à l'information. C'était l'objet de la table ronde suivante (du moins celle que j'avais choisi, puisqu'il fallait faire des choix....). On y retrouvait notamment Élisabeth Noël (de l'ENSSIB/FORMIST) et Patrick Bazin, directeur de la bibliothèque publique de Lyon (2ème structure de France après la BNF). E. Noël  a donné tout d'abord un très intéressant aperçu historique des formations à la maîtrise de l'information, alors que l'on va fêter en 2009 les 10 ans du FORMIST. Une argumentation qui se base sur 2 enquêtes: 1998 et 2005. En 1998, une enquête nationale avait tenté de faire un état de l'art de l'éducation à l'information dans l'enseignement supérieur.  On notait alors un souci réel de formation (effectuée  par les "missionnaires", précurseurs  de l'éducation à l'information  dans les pays francophones: Pochet et Thirion en Belgique - =Edu'Doc -, Claire Panigel pour l'URFIST de Paris dès 1984 -date de création des URFIST: 1982-, sans oublier le GREMI -Groupe de Réflexion sur l´Enseignement des Méthodologies de l'Information-), mais seulement 1 établissement sur 2 mettant en place un dispositif effectif (équivalent de 350 élèves/établissement formés). Les années 2000 ont vu des évolutions marquantes: l'apparition de tutoriels en ligne (FORSIC -plus à mis jour depuis 2001- ou CERISE, par exemple), de référentiels de compétences (Metafor, Erudist....).  Toutes ces ressources sont régulièrement signalées par FORMIST. (Formation à l'information scientifique et technique, édité par l'ENSSIB). Nouveau bilan et évaluation des actions en 2005 par E. Noël:  on peut noter une institutionnalisation des formation (passage d'une formation facultative  à obligatoire), des textes officiels qui plaident en faveur de cela, des  formations plus nombreuses -mais plus courtes. Les URFIST sont plus visibles (sites Internet notamment), les tutoriels intégrés dans les ENT. L'éducation à l'information est partagée entre toute une communauté de compétences (bibliothécaires, enseignants, informaticiens...). Mais le bibliothécaire continue à garder sa spécificité, et une mission ambitieuse: tourner la bibliothèque vers les usagers, s'adapter aux pratiques de la génération Google (cf. Bibliothèque 2.0).
P. Bazin a quant à lui posé la situation de la lecture publique: intervention passionnante. Puisque... eh bien.... Puisque le numérique a bouleversé à la fois l'ordre du livre et les pratiques des usagers des bibliothèques, puisque le public s'est lui même qualitativement diversifié (démocratisation culturelle...), eh bien les missions des bibliothèques, qui étaient avant tout de donner accès, doivent évoluer et s'adapter aussi. La bibliothèque ne peut plus se contenter de la conservation des savoirs constitués. "Avant", la bibliothèque était le miroir d'une encyclopédie: organisée, hiérarchisée, au contenu validé. Mais aujourd'hui le savoir est de plus en plus dynamique, les usagers/consommateurs d'information deviennent également des producteurs de connaissance (cf. Wikipédia): l'ancien modèle du savoir, une pyramide où les détenteurs de la science (à la pointe) communiquaient les connaissances au reste de de la société (la base), permettant en théorie un ascenseur social et culturel, est périmé. La mission de la bibliothèque publique devient maintenant, selon P. Bazin, non d'"apprendre à apprendre", mais d'associer les usagers à la co-construction d'un espace culturel: le bibliothécaire doit jouer un rôle d'animateur dans la construction des connaissances, son expertise est là. En retour, l'usager accompagne le bibliothécaire dans la constitution de gisement de ressources: c'est, me semble-t-il, ce que l'on appelle au niveau du Web 2.0 l'UGC (User Generated Content). Une concrétisation éloquente: le Guichet du savoir  de la Bibliothèque municipale de Lyon... Les questions sont fournies par les usagers, les réponses par la bibliothèque et les bibliothécaires, elles sont de plus capitalisées  par le système d'information de la structure, qui indexe l'ensemble....! 

La conférence d' E. Broudoux, sous un intitulé qui attisait la curiosité de nos jeunes esprits émotifs ("Fluidification informationnelle et intermédiaires socio-techniques), concernait en fait  le Web sémantique (à  l'horizon). Un diaporama est disponible sur le site de la FADBEN. 

La table-ronde de l'après-midi était l'un des grands moments du congrès. Autour de JL CharbonnierPascal Duplessis, Alexandre Serres, Agnès Montaigne, Nicole Clouet, pour évoquer  des questions essentielles: "Didactique de l'information et pédagogie documentaire: quel projet curriculaire?", "Intégrer la formation aux concepts info-documentaires dans la formation des élèves", "culture et didactique de l'information: quelles relations?", parmi  6 grandes questions. 

La dernière conférence de la journée (au choix, là encore) a concerné les ENT (environnement ou espace numérique de travail), de mon point de vue à la fois outil de formation à l'information et objet de cette éducation. C'est dire si en théorie la chose intéresse les documentalistes. Mis à part les définitions et références habituelles qui ont été énoncées, on peut signaler différents éléments: bien que le ministère veuille généraliser  les ENT à l'horizon 2010, c'est avant tout un projet partenarial et local (notion de territoire) encadré par le SDET (Schéma directeur des ENT).  Une personne en charge des TICE est venu  exposé le cas  du Rhône (Ac. de Lyon et département du Rhône), où c'est l'ENT laclasse.com qui a été choisi. Il reste maintenant à diagnostiquer, évaluer, sécuriser et fiabiliser les usages d'abord, consolider et optimiser la technique ensuite, mais surtout... sensibiliser et convaincre les acteurs de participer (lutte active contre le "syndrome du nudiste"!)...


Le dimanche a vu une réflexion davantage axée sur la dimension professionnelle et l'avenir du métier. C'est là bien entendu l'intérêt de ce type de rencontre. Mais, alors que la profession compte près de 10 000 documentalistes, l'amphithéâtre n'en a pas accueilli plus de 300 ou 400 (estimation personnelle). La profession, c'est un point de vue mais il faut l'envisager, n'est peut-être pas assez mobilisée pour affirmer une position claire sur son avenir, qui maintiendrait la diversité de ses missions et accentuerait la dimension pédagogique (ce qui me semble ressortir de ce congrès); les allusions aux derniers propos de l'IGEN ont été fréquentes, mais la question pas vraiment débattue en pleine lumière: quid du métier d'enseignant documentaliste? et d'une culture de l'information dont l'enseignement ne serait ni formalisé ni reconnu par l'institution (d'où mon titre un peu provocateur) et  les modalités d'évaluation -comme l'a signalé  une intervention-  laissées à l'appréciation de chaque acteur?
Il faut toutefois le dire, l'Inspection générale, par la présence de Jean-Louis Durpaire,  n'a pas contribué à éclaircir les doutes et les interrogations, notamment de ceux qui s'apprêtent à rentrer dans le métier.
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CC:   par Rebecca (Becky/Bex) 
"The Guide".
Si le monde de l'information est  aussi tortueux que les ramifications de cet arbre, la culture de l'information  pourrait-elle se  comparer au tronc? et  la médiation documentaire à un "Guide"?   

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Commentaires
M
Je pense, Cyril, que dans ton propos, tu pourrais insister sur le fait que l'enquête Mediappro date déjà ...<br /> Sinon, merci pour rapporter ici les mots de P. Bazin et E.Noël ...
C
Mille pardons, Maître, j'ignorais qu'il vous arrivait de descendre dans la basse blogosphère! Il est vrai que la description était partielle, je la complète sur le billet de ce pas....
O
Ben alors, jeune padawan tu ironises sur le maitre du diaporama ?<br /> Merci pour ce résumé, tu as également bien retraduit l'esprit de mon intervention ultrarapide et c'est l'essentiel.
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